Le blastophage, insecte pollinisateur du figuier, est un petit animal fragile qui ressemble à un moucheron et qui passe quasiment toute sa vie à l’intérieur des figues. Il ne les quitte que durant de très courtes périodes, poussé par la nécessité de se reproduire ou aussi parce que son habitation menace de tomber en ruine.
Pendant la mauvaise saison, il trouve refuge dans les sycones ( figue ) de quelques figuiers d’un type spécial ( caprifiguiers ) dont les fruits demeurent tout l’hiver accrochés aux rameaux. (les mames : figues-mères).
N’essayez pas de mordre dans ces figues là, elles sont franchement immangeables. Elles contiennent à l’intérieur une multitude de petites concrétions blanchâtres… ce sont des galles à l’intérieur desquelles les larves passent un hiver tranquille à l’abri des intempéries (figues de bouc).
Aux alentours de la mi-mai, les blastophages ont fini leur vie larvaire et sont devenus des insectes parfaits. Les mâles quelques peu difformes, s’extraient les premiers de leur galles et vont inséminer les femelles avant qu’elles n’en sortent. Après cela ils meurent sans avoir vu la lumière du jour.
Les blastophages femelles, nettement plus gracieuses, naissent déjà gravides et ne tardent pas à sortir par l’ostiole de leur abri qui est en train de s’affaisser lamentablement. Fort heureusement le figuier met à leur disposition une nouvelle fournée de figues, au parfum suave, auquel ces dames ne résistent pas (les profichi, avec des fleurs mâles situées autour de l’oeil, et des fleurs femelles à style court) ! Elles vont pondre à l’intérieur de ces figues de printemps, ce qui va déclencher la formation de galles qui serviront de nourriture aux futures larves… Ces dernières arriveront à maturité vers la fin mai.
Une fois de plus les larves parasites vont se métamorphoser en insectes parfaits. Les mâles féconderont les femelles avant de mourir et celles-ci s’élanceront hors de leur abri à la recherche d’un endroit pour pondre. Cette fois elles se sont frottées sur les fleurs mâles postées à la sortie du sycone et sortent couvertes d’une poudre dorée, le pollen.
Elles se dirigent alors vers un figuier des environs qui les attire de ses émanations parfumées (le fichi, figue d’été ne contenant que des fleurs femelles à style long). Elles pénètrent à l’intérieur des figues, cherchent à pondre dans les fleurs, mais cette fois changement total de scénario… Les fleurs de ce nouveau figuier sont à l’abri de toute tentative d’effraction. C’est l’hécatombe… Seuls quelques blastophages arriveront à s’extraire à grand peine. Le figuier lui, profite de leur visite pour récupérer un peu de pollen et assurer ainsi sa descendance.
Après la pollinisation des figuiers femelles, le caprifiguier se décide à porter secours aux blastophages survivants… A la base des rameaux de l’année quelques boutons de figues commencent à grossir ; jusqu’à la fin du mois de septembre, les blastophages s’y engouffrent et peuvent enfin déposer leurs œufs pour assurer la génération suivante (les mames, figues d’automne).
Le figuier sacrifie ainsi deux générations de fleurs pour la reproduction de son insecte pollinisateur qui permettra d’assurer sa descendance à la 3ème génération. Chaque espèce de figuier à son insecte spécifique. Si l’un des deux vient à disparaître, le second subit le même sort, à un tel point qu’on a le sentiment d’avoir affaire à une seule et même entité biologique : un binôme insecte-plante, ayant une partie dans le règne animal et l’autre dans le règne végétal.
Michèle Danduran